Coordination des Clients des Chemins de fer de Provence - "Faire de ce Train la fierté de la Provence !"
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 Critique Mise à jour de cette page le 14/09/06 Connaissance 
ARTICLE / CRITIQUE LITTERAIRE
13/09/2006


UNE NOUVELLE ETUDE BACLEE ?

CRITIQUE LITTERAIRE
Du livre-étude intitulé « Histoire et devenir des Chemins de Fer de Provence »
Rédacteur : Bernard Chaouat



Les livres qui paraissent sur les Chemins de fer de Provence ne sont pas légion ; les études encore moins. Aussi mon intérêt a été vif lorsque le SYMA a présenté le 31 mai une « étude sur la ligne Nice-Digne »1. Etudions, donc !


PRESENTATIONS

    Quelle ne fut pas ma surprise de voir que cette étude est en fait un livre, tout en couleurs et en format 16x21, ma foi joliment présenté. Mon premier réflexe a été d’aller voir en 4ème de couverture pour chercher le prix… Avant de réaliser que, s’agissant d’une étude subventionnée par la Région, le « livre » n’a sans doute d’autre destin que d’être distribué gratuitement. Aucune mention du tirage, d’ailleurs. Il a été achevé d’imprimer le 5 janvier 2006 et est édité par les « éditions ART » à la Courneuve (région parisienne).
    L’objectif de l’ouvrage est de le rendre « accessible aux initiés comme aux simples curieux ». Il ne s’agit donc pas d’une étude techniquement pointue.
    Le résumé de fin de livre donne le ton : Un coup de brosse pour la Région – mais c’est normal, c’est le commanditaire et un hommage appuyé au caractère indispensable de ce train. Dès la lecture de ces trois paragraphes, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la pertinence de certaines tournures de phrases, comme celle-ci :
 « Heureusement, la chronique de la mort annoncée du légendaire « train des pignes » n’est pas encore arrivée à son terme ». Il m’a fallu relire la phrase trois fois pour comprendre dans quel sens il fallait prendre le message et ce qui était heureux, finalement.
Ou celle-ci :
« Il est permis d’espérer qu’avec la Région comme principal acteur ce petit train […] entre vraiment dans le XXIème siècle. Une telle évolution est possible, tout en gardant ce qui fait sa spécificité. » A force de vouloir tourner autour du mot « modernisation » sans vouloir l’écrire, la phrase perd un peu de son sens.

    Mais je chipote, je chipote. Entrons dans le vif du sujet.
    Le livre est divisé en quatre parties : Une approche historique, avec les « Impressions de voyage ». Une approche historique ; une approche scientifique ; un chapitre concernant « les amoureux du train des pignes » ; enfin, quelques pistes de réflexion pour l’avenir.


IMPRESSIONS DE VOYAGES

Puget-Théniers, Alpes-Maritimes... et l'ancien pont routier sur le Var

Puget-Théniers se retrouve au carrefour des vallées de l’Estéron (!) et de la Roudoule, et à la frontière des Hautes Alpes…

Bien qu’étant destiné également aux curieux, cette partie est de loin la moins intéressante. Dès les premières lignes, on comprend qu’il s’agit d’une première découverte des Chemins de fer de Provence. On peut s’étonner que la rédaction ait été confiée à un auteur ne connaissant pas la ligne, mais l’idée est, en soit, intéressante. Un regard neuf est toujours intéressant. Malheureusement, ces notes sont truffées de redites, de passages sans aucun intérêt et d’erreurs grossières.
    Les erreurs : En gare de Nice, deux voies. Il y en a en fait trois. Le Pont Charles Albert est annoncé avant La Manda, alors qu’il est, en fait, 9 kilomètres plus loin. La Vésubie n’est plus une vallée, mais un « mont pelé ». La halte de Peyresq est annoncée comme « fermée », ce qui est faux. Puget-Théniers se retrouve au carrefour des vallées de l’Estéron (!) et de la Roudoule, et à la frontière des Hautes Alpes… Le pont de la Trinité (situé à la sortie de Puget-Théniers) se retrouve du côté d’Annot, ce qui recule sensiblement de près de 20 kilomètres l’ancienne frontière entre le Comté de Nice et la France. Le pauvre lecteur a d’ailleurs bien du mal à se retrouver, dans ce voyage en zig-zag.
Les références nombreuses aux danois (voyageant dans le train), aux chansons et à divers romans n’ont qu’un intérêt très limité dans une étude de ce genre.


HISTORIQUE

Le Siècle du Train des Pignes, de José Banaudo

Un bon compromis entre la version longue du livre de José Banaudo, « le Siècle du Train des Pignes », et la version courte disponible sur le site jumeau « train des pignes » de la CCCP

Si les erreurs sont nombreuses tout au long du livre, elles ont épargnés semble-t-il la partie « historique ». Cette version s’avère un bon compromis entre la version longue du livre de José Banaudo, « le Siècle du Train des Pignes », et la version courte disponible sur le site jumeau « train des pignes » de la CCCP.
Ici comme ailleurs, on peut toutefois regretter le côté bâclé pour une étude, l’auteur n’ayant même pas eu le courage de passer un coup de correcteur orthographique (Antibe, déléguante...).


APPROCHE SCIENTIFIQUE

Le train à la Manda : Les horaires semblent moins compliqués en vrai !

Que m’explique celui qui comprend la phrase suivante (p. 54) :
« Il y a une rame et six autorails qui parcourent le trajet quotidiennement, l’autorail qui part de Digne à 7 heures du matin et celui parti de Nice à 17 heures et qui arrive en soirée à 20h13 à Digne. »

Aïe ! On craint le pire… avec raison.
    Le chapitre sur « l’état actuel du réseau », qui reprend beaucoup de passages du contrat de la délégation de service public (DSP) qui lie l’exploitant privé et le gestionnaire public, renoue avec les approximations gênantes ou les phrases incompréhensibles. Que m’explique celui qui comprend la phrase suivante (p. 54) : « Il y a une rame et six autorails qui parcourent le trajet quotidiennement, l’autorail qui part de Digne à 7 heures du matin et celui parti de Nice à 17 heures et qui arrive en soirée à 20h13 à Digne. »
    Suite à cette affirmation au style admirable (!), la CFSF devient CSSF (Compagnie Sous-marine du Sud de la France ?), certaines haltes ou gares sont inventées (La Mésélie, Pont-Saint-Charles ???) ou réactivées (La Tour sur Tinée, ancienne gare du tramway située à 10 bornes de la ligne Nice-Digne…), voire modifiées (les Lunières devient les Lumières !)… Entre autres, bien sûr ! Impardonnable, car il s’agissait ici de recopier bêtement les documents fournis.
    Des erreurs littéraires ? Pas seulement. Apparemment, l’auteur ne sait pas plus compter. D’après un décompte alambiqué (et déjà faux !), la ligne comprendrait 20 gares et 28 haltes en activité (xx gares et haltes en réalité) pour 151 kilomètres de ligne (150 km en réalité). L’auteur arrive ensuite à diviser 11 trains par 2 et en arriver à la conclusion qu’il en circule un tous les quart d’heures par le raisonnement mathématique suivant (p.57) : « 11 trains circulent le matin dont la moitié entre 6h25 et 9 heures qui se succèdant [faute d’orthographe d’origine] à un intervalle moyen d’1/4 d’heure, les 4 derniers trains de 10h23 à 12h43 dans une plage horaire beaucoup plus large, dépassant la demi-heure voire l’heure, onze trains circulent l’après-midi. » En effet, je ne cherche même plus à comprendre ce qu’il a voulu dire ou expliquer !
    J’arrête là pour ce chapitre, il y a quasiment une erreur à chaque paragraphe… A signaler, juste pour la forme, un tableau de « données financières » au graphique très fantaisiste !

    L’aspect « population et activités » pourrait être d’une richesse incroyable pour le développement de ce train. Mais ce chapitre, de dix malheureuses pages, ne tient pas la distance. Tout ceci commence par du comique pur : 37 lignes de calculs de savant fou et de triangulations monstrueuses pour en arriver à la conclusion : « Elle [la ligne de chemin de fer] occupe une position centrale sur les deux départements. » Sans blague ! Une carte de la Région suffit à s’en rendre compte !
    Le second paragraphe frôle le délire pur : Pour justifier une aire géographique concernée par ce train de plus d’un demi million de personnes, notre homme va jusqu’à inclure la vallée de l’Estéron (ou plus un train ne passe depuis 1928 !) et le haut Verdon jusqu’à Allos, sans oublier le déplacement de villages (La Tour passe de la vallée de la Tinée à celle du Var). Il intègre d’ailleurs à la ligne, par un miracle non encore élucidé, la ligne de car qui va de Thorame à Allos (p. 67) : « Si l’on prend en considération tout le réseau couvert par la ligne Nice/Digne jusqu’à la Foux d’Allos, on dépasse les 200 kilomètres (…) ». Mais bien sûr !!! Pourquoi personne n’y avait songé jusqu’ici ?!
    Heureusement, les données statistiques et de mouvements de la population (pages 69 à 76) nous ramènent à la réalité et sont nettement plus pertinentes… Et pas seulement parce que la Coordination des Clients des Chemins de fer de Provence est citée ! Anecdote : Les Bus Var mer seront heureux d’apprendre qu’ils ont été virtuellement intégrés aux Lignes d’Azur…


LES AMOUREUX DU TRAIN DES PIGNES

    En attaquant le chapitre par la perception cinématographique des transports, positionnant le train comme seul moyen de transport perçu positivement au cinéma, l’auteur fait une sélection très partiale de films pour démontrer une démarche bancale. Des films catastrophes avec le train existent aussi. Quant à son affirmation que « des trains pas comme les autres » ne peut pas s’appliquer aux autres moyens de transports, elle me laisse profondément perplexe. Il existe une pléthore de magazines sur les autos, les avions et les bateaux pas comme les autres, il suffit de se rendre au premier kiosque venu pour s’en rendre compte.
    Ce chapitre mêle un peu tout, des associations de défense du train aux chansons, des livres aux BD, frôlant parfois dangereusement le remplissage stérile.


LES RICHESSES DES REGIONS ET L’AVENIR

Le Seignus d'Allos : Un peu raide pour du ski de fond, non ?

Est ainsi décrite la station de ski de fond de la Colle-Saint-Michel, assortie d’un commentaire… sur Le Seignus d’Allos !

Deux derniers chapitres de cette étude mouvementée, il ne sont pas les moins intéressants, mais se trouvent isolé du reste de « l’étude » pour d’obscures raisons. Bien entendu, là aussi, nous n’échapperons aux croustillantes remarques et approximations.
Est ainsi décrite la station de ski de fond de la Colle-Saint-Michel, assortie d’un commentaire… sur Le Seignus d’Allos (autre station, de ski nordique cette fois).
    On apprend que la station de ski de Praloup a été déplacée dans le Val d’Allos, et devient accessible… par navette (montée sans doute sur skis ?).
    Mais on peut aussi sourire avec cette phrase (p.102) : « Trois mots peuvent résumer cette puissance de feu : campagne, mer, montagne, auxquels on peut ajouter rivières et vallées et même ville (…) ». En effet, on a fait le tour ! je ne dirai qu’un mot : unique, incontournable, fraise des bois.
    Enfin, certaines affirmations douteuses, faites pour défendre ce train, sont tellement fausses qu’elles le desservent (p. 103) : « Le train a l’immense avantage sur la route de ne pas (ou plus) dégager de gaz carbonique ». Les ingénieurs ferroviaires ont inventé le moteur diesel sans pot d’échappement ?


    Ouf ! Cet article est fini. Il m’a fallu deux mois pour faire péniblement la lecture et la critique de cet ouvrage (qui ne m’a pas été offert officiellement, mais subtilisé par nos chers VIP).
    Décidément, ce pauvre train n’a pas de chance ! D’une bonne idée à la base, la Région a réussi à nous offrir un bourbier littéraire. C’est dommage, rageant, et impardonnable : Tant d’auteurs régionaux de talent, de spécialistes de la ligne (je pense évidemment en premier lieu à José Banaudo) auraient pu, facilement, rendre cette étude riche et passionnante.
    Fort heureusement, cette « étude » n’est pas commercialisée, et pour l’obtenir (je sais que malgré tout, vous en rêvez…), pas d’autre moyen que d’assister à une réunion ou autre Comité de Ligne. Une bonne occasion pour se rencontrer !?

William Waechter