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Article | Mise à jour de cette page le 11/04/06 | Prospectives |
J'y
pense quelquefois en me rasant le matin. Non pas aux
présidentielles, bien sûr, mais à
l'idée de
passer au rasoir électrique. Pour le moment, je me rase
à
la "Train des Pignes", c'est-à-dire consciencieusement,
manuellement, avec un rasoir de mauvaise qualité. Et si
demain,
je passais à l'électrique ?
PRISE DE CONSCIENCE
La
Coordination n'a
jamais eu
pour but de défendre ce train, en tant que tel,
c'est-à-dire de le sauver d'un
néant certain ou quelques âmes soi-disant bien
pensantes aimeraient le plonger
définitivement. Ah bon ? Certes. Son objectif est
de considérer que cette
ligne est indéboulonnable et passer directement au stade
suivant : la
moderniser, voire en faire un exemple de ce que devraient
être dans un futur
proche toutes les lignes dites "secondaires" en France. C'est
pourquoi certains pourraient penser que les articles paraissent durs
vis-à-vis
de ceux qui annoncent fièrement et publiquement
qu'ils choisissent de
conserver cette ligne en l'état. L'état de cette
ligne est pitoyable, et la
conserver telle quelle revient à s'éloigner un
peu plus chaque jour du XXIème
siècle dans lequel, il faut bien l'avouer, les Chemins de
fer de Provence ne
sont jamais entré réellement. Tout au plus
ont-ils arrêté leur course au progrès
en 1935. Les évolutions successives n'ont
été que replâtrages à
moindres frais
d'une ligne en sursis permanent.
Les temps changent, on ne peut pas faire mentir les chiffres indéfiniment. Malgré une succession d'actions tendant à faire mourir ce train (voir les 41 actions), il résiste étonnamment bien. Sa fréquentation a plus que doublé en vingt ans, les populations locales sont à présent convaincues de son utilité à une écrasante majorité, l'évolution des coûts des transports, la pollution, ont provoqué une prise de conscience nationale sur l'intérêt des transports collectifs en général, et les atouts du rail en particulier. Ce rail qui, voilà un demi siècle, était voué à une mort certaine, redevient un moyen de transport rapide, sûr, économique et confortable. Enfin il pourrait l'être...
La Coordination a trouvé sa place complémentaire parmi les trois Associations majeures de défense des transports collectifs des Alpes Azuréennes que sont les Amis du Rail Azuréen, le GECP et le GIR Maralpin (par ordre alphabétique). Le GECP assure la sauvegarde des Chemins de fer de Provence les Amis du Rail défendent et tentent de moderniser les transports ferrés dans le département des Alpes-Maritimes, le GIR Maralpin s’attaque à la problématique des transports collectifs régionaux.
La CCCP ne s’occupe que des Chemins de fer de Provence, dans l’objectif avoué de lui faire rattraper ses 70 ans de retard, d’une part, et d’en faire une ligne « modèle » de transports ferrés secondaires, d’autre part. Ce qui implique le sacré tour de force de renverser la tendance séculaire qui veut que ce train soit « le dernier servi », financièrement parlant, tout en prouvant, économiquement, qu’un investissement massif et responsable sera plus économique et plus utile pour tous que de vains saupoudrages « à perte » pour maintenir cette ligne en l’état.
Donc,
fort de ce raisonnement
impitoyable et tout en regardant mon rasoir ce matin, je me suis
dit :
Voilà la solution.
PRISE DE TETE
Comparer un rasoir
et un
train n’est pas bien raisonnable, or la force de la
Coordination réside en une
certaine logique. Donc j’ai mis mon rasoir
à la poubelle et je me suis
intéressé à ma voiture. Imaginons que
je possède sept voitures dans le même
état que les autorails des CP. Diesel, 30 ans, 3 millions de
kilomètres… Je
frissonne. Franchement, j’hésiterai à
rouler avec. Mais soit. Toutes les pièces
mécaniques ont au moins été
changées cinq fois, elles consomment 15 litres au
cent kilomètres, je pollue comme un fou, bref, la logique
voudrait que je
change d’autorails – pardon, de voitures
– aussi vite que possible. Mais ma
banque – La Syma Banking Corporation – refuse,
arguant du prétexte que je
dépense tellement d’argent pour rafistoler mes
véhicules hors d’âge qu’il
n’en
reste plus pour en acheter une neuve. Arg ! Eternelle prise de
tête.
PRISE DE COURANT
Finalement, je viens
de
convaincre mon banquier. L’argent
économisé en réparations diverses
suffira à
financer le crédit. Parons à l’urgence.
Impossible de changer les sept voitures
d’un coup, car ici, c’est la Syma Banking
Corporation qui n’a plus de quoi les
financer. Franchement, les banques ce n’est plus comme
avant… Mais soit. Donc
ma demande de remplacer la totalité de mon parc automobile
par des véhicules
neufs, de même type (diesel)
est
rejetée. Je ne pourrais en remplacer que trois, par des
modèles plus spacieux
et de plus grande capacité : Ca tombe bien, ma
petite entreprise est en
pleine croissance. Reste que mes quatre autres voitures ne tiendront
pas
indéfiniment. Trois, c’est mieux que rien, mais
ça ne remplace pas sept. On
tourne en rond.
Réfléchir.
Mes vieilles
voitures coûtent très cher à
l’entretien, et en consommation. Mes voitures
neuves coûtent très cher à
l’achat, mais l’entretien est sous garantie, et la
consommation moindre. Existe-t-il des véhicules moins cher
à l’achat, et en
consommation ? Pour les transports routiers, nous sommes tous
– vous et
moi – confrontés à ce
problème. Le carburant augmente, les véhicules,
de plus
en plus perfectionnés, coûtent à
l’achat et à l’entretien de plus en plus
cher,
et les solutions alternatives vont de la moins pire à la
plus improbable, en
passant par des loufoqueries diverses. Le rail, lui, a
trouvé SA solution
depuis un siècle. Ca s’appelle
l’électricité. Il fut un temps
où elle était
chère et difficile à mettre en place.
Aujourd’hui, c’est pratique, bon marché
et propre.
PRISE
D’INTERETS
Revenons au train.
Si je dis
ça au SYMA, c’est sûr, ils vont encore
me parler d’un financement impossible.
Donc je compte sur vous pour que les lignes qui suivent ne sortent pas
d’ici.
Obtenir des chiffres est
toujours une sinécure, par chez nous, mais on va se
débrouiller.
Un autorail diesel (double,
moderne, avec les portes qui font
« pshuit ! » quand elles
se
ferment et une climatisation en état de marche)
coûte environ quatre millions
d’euros. Un pont sur la Tinée coûte six
millions d’euros – ceci n’a rien
à
voir, c’est juste pour donner des fourchettes de prix
dès que l’on parle de
marché public…
L’électrification d’une
double voie SNCF coûte environ trois millions
d’euros au kilomètre. Sachant que
les CP ont estimé le côut de
l’automatisation des voies pour environ la moitié
du prix d’une estimation SNCF, et d’autre part,
nous avons une voie unique,
mais tenant compte également de frais incompressibles,
j’estime, totalement à
la louche, qu’électrifier la ligne CP reviendrait
à un million d’euros le
kilomètre.
Je pose 3 et je retiens 1.
Passez-moi la calculette aléatoire.
Le but du jeu est
d’électrifier toute la ligne, mais restons
raisonnables, et commençons par le
plus logique : Electrifier ce qui coûte le plus cher
en diesel (par sa
fréquentation), soit la section Nice à
Plan-du-Var. Ca tombe bien, on va
recevoir trois autorails diesel, ils serviront pour les grands
parcours. De
plus, utiliser exclusivement les autorails diesels neufs, plus
puissants,
pourraient inciter à relever dignement la vitesse, chose
impossible si on
utilise un peu de tout sur la grande ligne. Donc 24
kilomètres à électrifier,
pour commencer, ça nous donne 24 millions d’euros.
Et ça, c’est de
l’investissement, soit, mais ce n’est pas comme du
goudron, on n’a pas besoin
de le refaire tous les cinq ans ; c’est
définitif.
De source sûre, un autorail
électrique coûte à l’achat
environ deux tiers du prix d’un autorail diesel.
D’abord parce que les constructeurs sont plus nombreux,
ensuite parce que ça
demande moins de technique et d’entretien.
Calculette ? Quatre autorails à
2.5 millions d’euros pièce, ça nous
fait 10 millions… Et une économie nette de
6 millions par rapport au diesel.
Quant au différentiel de coût global d’investissement, il semble qu’il puisse être absorbé par les réductions sur l’entretien et les déplacements. L’électrique coûte moins cher que le diesel, à tous points de vue. En 2006, ce différentiel peut tout remettre en question, et relancer le débat sur l’intérêt d’électrifier cette ligne, comme jamais.
Il faut commencer par ouvrir la porte de ce dossier pour lancer le débat. Voilà qui est fait.