Article - Coup de gueule |
Creation de cette page le 06/03/07 |
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par William Waechter |
Le 6 mars 2007, deux nouveaux autorails sont tombés en panne : La
X-301, victime d'une rupture de joint de soupape tôt le matin, et la
tristement déjà célèbre Rame Réversible, victime d'on ne sait trop quoi
encore... Plus tard, la X-305, sortie en catastrophe des
ateliers, a terminée sa soirée sur un seul moteur.
L'autorail X-302, victime d'une chute de pierre, est actuellement inutilisable.
La rame-double Soulé Garnéro attend depuis deux mois maintenant ses bogies neufs.
Les deux locos assurant la traction de la rame réversible sont hors service.
Ne
cherchez pas la calculette, les autorails disponibles aujourd'hui sont au nombre de quatre.
Ce n'est pas suffisant, on s'en doute, pour assurer les 18 liaisons urbaines et les 4 liaisons grande ligne quotidiennes.
A partir de demain, et on
l'espère pour un temps très court - le temps de
réparer à la McGuyver ce qui s'écroule - le train
1 au départ de Nice n'ira que jusqu'à Annot : Au
delà, un autocar jusqu'à Digne (72 kilomètres).
Le train 2 sera un autocar de Digne à Annot.
Le train 7 sera aussi un autocar d'Annot à Digne.
Et le train 8 sera également remplacé par un machin sur pneus.
Sur la ligne urbaine, les trains de mi-journées ne seront pas
forcément tous assurés. De Nice à Plan du Var, il
y a, de toute manière... des autocars !
Quelquefois, on n'arrive plus à trouver les mots pour qualifier
l'état du matériel roulant que la ligne des Chemins de
fer de Provence. Alors, il suffit d'une série noire pour que
chacun prenne peu à peu conscience, qu'un jour, ce sera la
dernière. Pas par manque de fréquentation. Au contraire.
Mais un cumul d'années de laxisme et d'irresponsabilités,
de sous-budgétisation et de laisser-faire peut aussi tuer une
ligne de chemin de fer.
La situation des rails et du parc moteur, hors TGV en France, n'est
certainement pas brillante. Mais celle des CP frôle l'indigence,
l'imcompétence, l'irresponsabilité. Trente années
de gestion à la petite semaine, précédées
de trente autres années guère mieux gérées,
précédées de la faillite de la compagnie
historique qui avait laissé, en 1937, des lignes exangues, font
qu'en 2007, plus rien ne tient. Les irresponsables se sont
succédés. Aujourd'hui, la Région hérite du
bébé, et comme le résuma si bien Jean-Claude
Goguillot, représentant de la Région en janvier dernier :
"Ce n'est pas un cadeau !".
Une série noire, ça arrive partout. Sauf qu'ici, d'une
part, on peut tout invoquer sauf "la faute à pas d'chance !". Le
miracle, au contraire, serait que tout ce vieux matériel
usé par une exploitation trop intensive et quotidienne tienne
encore jusqu'à fin 2008, date où les (deux !) nouveaux
autorails devraient arriver. Chez nous, le destin a la gentillesse de
nous donner des avertissements avant le jour fatal où les cars
devront intégralement remplacer les autorails, faute...
d'autorails.
A ma gauche, les gens de la Région me jurent, main sur le coeur,
que la démarche incisive et médiatique de la CCCP est
salutaire, qu'ils prennent pleinement conscience du problème. A
ma droite, la CFSF aurait passé pour consigne (pas de
preuves...) d'empêcher les informations de parvenir
jusqu'à moi.
Au centre, un millier de personnes, quotidiennement, ont ce train pour
seul outil de transport. afin de pénétrer dans
l'impénétrable capitale azuréenne. Un train qui
est le lien entre deux préfectures, un tissu de vie pour tous
les villages d'un arrière-pays qui se repeuple. Une
percée vers le nord. Un atout touristique de premier plan. Ce
n'est pas un cadeau, c'est sûr : C'est un atout
considérable pour toute une région.
Il fallait, il faut, il faudra bien un jour qu'une bonne fée se
penche enfin sur cette ligne et se rende compte que l'un des derniers
trains que l'on appelait autrefois "ligne secondaire" - est l'avenir du
transport par rail de proximité. Plus rapide qu'un tramway, plus
souple qu'un TER, moins coûteux que n'importe quelle ligne
à construire et à entretenir, le "système CP"
(avec sa voie unique, métrique, et ses haltes facultatives)
fonctionne à merveille à l'étranger mais stagne en
France. On veut réinventer le Tram-Train, mais quand on en a un
sous les yeux, on le laisse crever...
Avant-hier, on a coupé la liaison grande ligne "Alpazur" vers Genève, Lyon et Grenoble.
Il y avait trop de monde dans les trains.
Hier, on a arrêté de faire de la promotion touristique,
puis les touristes ont été jugés "non
prioritaires".
Il y avait encore plus de monde que places.
Aujourd'hui, on sacrifie la ligne Nice-Digne au profit de la ligne urbaine.
Mais on manque encore de trains.
Alors demain, on se concentrera sur les trains en heure de pointe.
Après-demain, on mettra des cars en remplacement.
Et c'en sera fini.
Pourtant, il n'y a rien de plus impopulaire que de laisser faire. A
chaque mois qui passe, la voie se dégrade, les autorails s'esssouflent,
les alternatives s'effacent. Rechercher du matériel d'occasion léger,
diésel et métrique capable de rouler sur des rails centenaires n'existe
plus. Fin 2008, les autorails neufs qui arriveront risqueront eux-mêmes
de ne pas pouvoir rouler sur la ligne, trop dégradée.
La priorité est de refaire entièrement la voie entre le
terminus de Nice et Plan du Var, en deux tronçons
délimités par Lingostière. Avec du rail lourd,
supportant enfin des locomotives de ce nom. Et en profiter pour
l'électrifier. L'ironie du sort est qu'il existe bien une
locomotive neuve en métrique à vendre, mais son poids
à l'essieu est trop lourd pour les rails ultra-fins et plus que
centenaires qui équipent cette portion de ligne, qui est
paradoxalement la plus fréquentée. Même les
"légères" et antiques locos Brissonneau - quand elles ne
sont pas en panne - sont devenues trop lourdes pour la ligne...
Mais qu'attendent-ils, me direz-vous ? Pourquoi attend-on depuis plus de trente ans ?
Parce que, quoi que certains en disent, ils savent bien, nos chers
décideurs, que cette ligne est vitale pour entrer dans Nice.
Elle atteint le coeur de la ville par une diagonale, sous les
montagnes, là où les routes contournent
consciencieusement l'obstacle. Or refaire la voie suppose d'interrompre
le trafic ferroviaire pendant de nombreux mois (les riverains ne
veulent pas de travaux nocturnes), décision qui serait hautement
impopulaire (pensent-ils) et rajouterait du trafic routier dans une
ville au bord de l'asphyxie.
En ces périodes de sondages, on devrait sonder les niçois :
Si vous voulez que cette ligne crève, tapez 1.
Si vous voulez qu'elle soit remise à neuf, tapez 2.
Certains sceptiques seraient surpris des résultats.
Alors, qui mettra les moyens, qui prendra le courage de cette décision ?