C'EST L'OCCASION OU JAMAIS !
La situation n'est pas chaude, elle est hyper
brûlante : Je veux parler du matériel ferroviaire sur la ligne des Chemins de
fer de Provence. Pendant vingt ans, le SYMA (Gestionnaire de la ligne) a
enchaîné devis sur études pour envisager l'éventualité d'acquérir un jour du
matériel neuf et compléter le parc d'autorails déjà vieillissant. A un
moment, au SYMA, on rêvait comme des grands enfants d'un autorail panoramique
"comme en Suisse". En attendant, les Suisses auraient pu apprendre
au SYMA à gérer une ligne de Chemin de Fer...
Lorsque j'ai créé la Coordination, en avril 2005, le GECP proposait déjà au
SYMA depuis un bon moment d'acheter du matériel d'occasion. J'ai proposé aux
Amis du Rail de suivre également cette voie (parallèlement à leur demande d’autorails
neufs). Et nous avons tous hurlé à l'unisson pour que le sourd entende !
Il a entendu. Mais en 2005, il était déjà tard. Très tard. Un an plus tard,
nous y sommes. En plein dedans.
"Une situation catastrophique !". Cette phrase provient, sous
couvert d'anonymat, d'un des décideurs, et date de fin juin 2006.
A BOUT DE SOUFFLE (made in CP)
Les jolis petits tableaux ci-dessous font un comparatif édifiant, entre la
situation au 31 décembre 1984 et au 27 juin 2006. Pour faire simple, il
y avait deux fois moins de voyageurs en 1984, et deux fois plus de capacité
dans les autorails. Pourtant, la situation n'avait rien d'extraordinaire.
Comment s'étonner, dès lors, que les trains soient bondés, que les
groupes de touristes soient refusés, que les actifs de Nice évitent comme la
peste les trains allant sur Digne, ou même pour certains, les trains tout
court ?
J'ai vu, en juin, des gens debout dans un train archi plein jusqu'à Villars
sur Var (départ de Nice à 17h00). On apprécie forcément beaucoup moins le
charme pittoresque du "train des Pignes" et la beauté des paysages,
accroché à la poignée des toilettes, coincé entre une valise et un sac à dos
pendant plus d'une heure... J'ai pris connaissances trop souvent d’une
centaine de personnes, à Digne, médusées de voir arriver un unique autorail
de 50 places. J'ai vu des trains "brûler" les haltes parce qu'ils
n'avaient plus la place de prendre un seul passager de plus. Et j'ai entendu
des élus, les oursins plein les poches, dire que ce train coûtait bien assez
cher. Citoyens de seconde zone, passagers de troisième classe, bienvenue dans
l'une des plus riches régions de France.
Le décomptage officiel du matériel appartenant aux CP (publié dans le dernier
bulletin du GECP) fait état de 10 autorails, 12 remorques et voitures et 3
locomotives. Si je ne prenais pas ce train tout au long de l'année, je rirais...
Voici un point beaucoup plus réaliste, fait avec la collaboration du
Directeur de la CFSF. Les commentaires sont, bien sûr, de mon cru !
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CE QUI ROULE ENCORE BIEN
Le chapitre va être très court...
- Quatre autorails CFD des années 70 (48 à 50 places assises chacun).
Je vous avais prévenu, c'est court !
Autorail CFD X-303 |
Autorail CFD X-306 |
CE QUI ROULE PLUS OU MOINS
- La rame double Soulé-Garnéro de 1984, la plus récente (!) de la galaxie
CP. La bête va finir par passer plus de temps aux ateliers que sur la ligne.
En vingt ans, elle n'a pas réussi à faire un million de kilomètres,
alors que les autorails CFD en ont fait plus du double, voire plus du triple.
- La Henschell. Parlons-en, de celle-là ! Cette
loco est tellement imposante, tellement lourde qu'elle est limitée à 25 km/h.
Au-delà, elle joue les Attila, elle arrache les rails. Alors on la gare et on
la sort de temps à autre, comme chasse-neige ou vedette de ciné.
- Deux autorails CFD : Ces deux-là ont des moteurs fatigués, tellement
fatigués qu’il faut faire un choix entre la traction ou… la clim’ !
La Compagnie a bien commandé deux moteurs MAN depuis deux mois, un seul est
arrivé à ce jour, avec des pièces manquantes. Il faut savoir que ce modèle de
moteur n'est plus fabriqué depuis belle lurette, donc difficile à trouver. En
attendant, le coût d'entretien des autorails grimpe en flèche.
Autorail Soulé |
Loco Henschell |
l'INUTILISABLE AUJOURD'HUI
Ca devrait rouler, ou ça
pourrait rouler théoriquement, mais pour diverses raisons, ça ne roule pas...
- Les 2 locos Brissonneau : On ne sait plus si
elles roulent ou pas. L'année dernière, elles cumulaient les problèmes
électroniques. Cette année, elles restent en gare. Logique, elles n'ont, de
toute manière, plus rien à tracter !
- Autorail Renault X-320 : Pudiquement annoncé comme étant "en réserve à
Digne" (sûrement en cas de guerre nucléaire), il est trop vieux, trop
bruyant, plus aux normes, bref, il ne peut plus circuler en l'état. Sauf à
refaire le moteur, la boite, le pont, l'intérieur et l'extérieur...
Sans compter que sur ce matériel de 1944 (destiné à l'origine à la
ligne Nice-Meyrargues), le conducteur fait le
trajet assis à 50 centimètres du moteur, d'où le manque de joie de ceux-ci à
l'idée de rouler avec en 2006 !
- Trois des quatre voitures dites « de tourisme », en fait un châssis
de 1906 et une caisse de 1949, réaménagée et repeinte. Vu leur état, elles ressemblent de plus en
plus à des bétaillères que le touriste d’aujourd’hui ne veut
plus. Et la Compagnie refuse de faire rouler ces « antiquités », non
climatisées, aux portes manuelles, aux banquettes spartiates, qui fuient
quand il pleut… Pas aux normes, officiellement parlant.
- Les voitures Suisses : Acquises (d’occasion) par la Compagnie en
2004. L’une est destinée à la rame réversible (voir ci-dessous). L’autre…
A une autre rame réversible !?
- La voiture-pilote / la rame « Gray » : La voiture-pilote « Gray »,
la voiture « suisse » X-1371 et une des deux locos Brissonneau sont destinées à former une rame réversible.
Celle-ci est en cours de montage aux ateliers de Lingostière
depuis presque un an, et serait prévue, aux dernières nouvelles, fin août. Il
faut savoir qu’avec les pannes en tous genres des autorails, l’entretien
courant, il ne leur reste plus beaucoup de « temps libre » pour s’occuper
de cette rame (les photos ci-dessous datent du 15 juin). Rame qui, par
ailleurs, est affectueusement surnommée IUCL par les cheminots, pour Issue de l'Union
de la Carpe et du Lapin, ce qui en dit long sur le caractère hétéroclite de
la composition et ce qu’ils en pensent…
Loco Brissonneau T 66 |
Voiture "de tourisme" XR-1343 |
Rame "Grey" à Lingostière (juin 2006) |
Voiture-pilote XR-1376 |
Voiture-Pilote XR-1376 |
OBJECTIF POUBELLE
Afin, sans doute, de faire
croire au bon peuple que les Chemins de fer de Provence sont une Compagnie ferroviaire de premier plan, l’effectif
roulant est augmenté, en vrac, de tout ce qui présente deux essieux et une caisse…
Ainsi,
on peut constater avec surprise dans l’effectif « Hors Service »
deux Renault de1936 et 1946, soi-disant « en attente de réparation »,
en fait loin de tout espoir, un autorail Billard de 1938, dans l’espoir
d’une réhabilitation touristique, et une des quatre voitures « de
tourisme », qui prend l’eau et la rouille de toutes parts.
Plus
étonnant, on retrouve de bonnes vieilles épaves destinées à la casse dans l’effectif :
Un locotracteur à la Tinée, un autre à Lingostière (reconstruit sur un châssis de machine à
vapeur !), un autorail Renault transformé en restaurant, qui a,depuis,
fermé, avec une remorque (même usage, même destination)… Les photos
ci-dessous vous donneront un état plus précis de leur décrépitude.
Autorail Renault X-326 |
Loco BB-401 |
Autorail Renault ZZ-21 |
Autorail ZZ-21 |
Remorque XR-1335 |
ZZ-21 intérieur |
Il y a de quoi comprendre, je
pense, la demande pressante d’autorails d’occasion ; Et d’occasions,
le Syma n’en a pas manqué. Tantôt par manque
de volonté, tantôt par manque d’argent, souvent par manque de
réactivité, le Syma a raté, en 20 ans, nombre d’offres.
Aujourd’hui, le réseau métrique européen s’est réduit ou s’est
électrifié. Le diesel d’occasion, métrique, se fait très rare. Aux strictes
normes CP, c’est mission impossible.
La
recherche aurait été entreprise depuis quelques années, il y aurait eu la
possibilité de faire la fine bouche. Aujourd’hui, la demande de
matériel d’occasion devient si pressante que tout ce qui se présente pouvant
rouler sur la ligne devient bon à prendre.
Les
seules offres actuelles sont des rames triples grecques, libérées après l’électrification
du réseau. Contrairement à ce qui a été annoncé ici ou là, leur vente n’est
pas encore effective, leur prix de vente n’est pas encore fixé, et les
Chemins de fer de Provence sont réellement en discussion.
Tout
ce que nous demandons est que les CP ne soient pas trop pointilleux pour
refuser du matériel pas « aux normes » mais adaptable, ou trop
laxiste pour recommencer un achat inadapté du type « Henschell ».
On
est loin, vous pensez bien, d’une situation idéale, voire même normale
pour la ligne et son potentiel. Il s’agit, au mieux, de replâtrer tout
ce qui a été laissé à l’abandon depuis des années. Et quand bien même,
restons extrêmement vigilants.
William Waechter
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