CARTE D'IDENTITE

Tellement
nombreux sont les problèmes à régler sur cette
ligne, des dossiers en attente depuis plus de trente ou quarante ans
aux priorités prioritaires et urgentes, que l'on passerait
presque sous silence un point qui est loin d'être à
négliger, surtout en ce moment : L'identité même
des Chemins de fer de Provence, et son fameux "train des Pignes" (avec
un "P" majuscule, je vous prie !).
Or cet aspect si important pour l'image de ce train aux yeux du monde
entier, et plus particulièrement aux yeux des touristes qui
viennent visiter notre merveilleuse région aux cigales
chantantes, à la montagne verdoyante et à la mer
ondulante, cet aspect si important disais-je que son identité
est en passe d'être balayée par négligence par une
Région qui souhaite TERroriser tout ce qui roule sur des guides
en fer.
L'identité même des Chemins de fer de Provence risque de
ne plus être, si l'on n'y prend pas garde. Alors prenons garde.
Non mais !
TER à Grasse (inauguration, 21 mars 2005)
La complexité de gestion d'une ligne telle que celle des Chemins
de fer de Provence aurait tendance à échapper à
nos chers décideurs ? Pour témoignage une petite
conversation que j'ai eu en juin avec Michèle Peron, la
nouvelle Directrice du SYMA, laquelle sera vraisemblablement toujours
présente lors du passage d'armes à la Région
début 2007. Nous devisâmes gaiement des 24 Commandements -
le sujet d'un prochain article - et je défendais pied à
pied les points sur lesquels vous avez voté, puis nous en
sommes arrivé, je ne sais plus trop comment, à discuter
de la couleur des 2 nouveaux autorails neufs promis et pas encore
commandés. "La couleur ? Quelle couleur ?"
Pour la Région, il parait évident que les autorails
seront bleu-gris, comme tous les autorails TER... Et pourquoi pas
le logo SNCF dessus, tant qu'on y est ?
Voyageurs et bagages à Nice (Août 2006)
Une ligne comme celle des Chemins de fer de Provence se doit d'attirer
toutes les catégories de clientèle, à savoir :
- Les actifs, principalement entre l'arrière-pays proche et Nice
(sans oublier Digne, bien que le phénomène soit moins
flagrant)
- Les voyageurs, réguliers ou occasionnels, qui n'ont
d'autre souci que d'aller d'un point A à un point B dans les
meilleures conditions.
- Les touristes, qui souhaitent allier le dépaysement
ferroviaire au charme enivrant des paysages grandioses de nos Alpes du
Sud.
- Enfin le fret, qui se moque éperdument de toutes les considérations ci-dessus énoncées.
Tout ce public, que nous appelons génériquement des
clients, est en droit d'attendre de ce train autre chose - et si
possible en mieux - que la standardisation SNCF, sur la dernière
ligne régulière indépendante (au moins de nom...)
de France.
Notre train est rustique, notre train est sympathique, notre train est
l'âme de la Provence. Et ce n'est pas parce que nous
réclamons à cor et à cri du matériel neuf
que nous voulons nécessairement des portes qui font "pfuit
!" quand elles se ferment et des toilettes futuristes
auto-nettoyantes.
La X-305 à Nice (été 2006)
Le problème est réel. Il a été
confirmé, tant par le SYMA (gestionnaire) que par l'exploitant
privé. La prise en charge par la Région et
l'arrivée du nouveau matériel risque de balayer tout le
charme des Chemins de fer de Provence, et son identité. Un
phénomène amplifié par le fait que les
décideurs refusent catégoriquement d'écouter les
associations d'usagers, qui connaissent pourtant la ligne et ses
besoins sur le bout des doigts. Cela a été dit et redit :
Les Associations ne participeront pas au cahier des charges concernant
l'acquisition des deux autorails doubles. C'est que c'est
sérieux, cette affaire là !
Donc ils se retrouvent à vouloir résoudre la quadrature
du cercle, à savoir satisfaire les exigences d'une
clientèle multiple aux priorités différentes, avec
deux autorails bons à tout faire, tant la ligne urbaine que la
grande ligne, tant en été qu'en hiver. Tout
en écoutant personne.
Thorame (Hiver 2005-2006)
Aidons les un peu.
Les cheminots veulent des machines robustes, adaptées à
une ligne particulièrement rude (hivers rigoureux en montagne,
fortes chaleurs en été, pentes raides, infrastructures en
plus ou moins bon état).
Les actifs veulent des autorails pratiques, à l'heure, aussi confortables qu'un véhicule personnel.
Les voyageurs au long cours veulent le même confort que ci-dessus
et des engins rapides, adaptés à des voyages avoisinant
les trois heures.
Les touristes veulent de la vue, de la place, du charme et du confort.
Le fret (vélos, skis, bagages, colis), quand à lui , veut sa place, peu importe la vue sur mer ou montagne.
Si l'on pratique une politique ferroviaire cohérente, en
adéquation avec les beaux discours récemment
déclamés, mettons la ligne urbaine de Nice de
côté : Elle sera électrifiée, donc aura du
matériel spécifique. En attendant, nous (actifs)
hériterons à coup sûr des vieux autorails
décrépis qui sont notre lot quotidien (excepté la
Soulé quand elle n'est pas en panne)...
Bref, il faut des autorails robustes, confortables, climatisés,
rapides, à grande visibilité, acceptant bagages,
vélos, skis et colis. Le reste n'est que superflu dont on
se passe aisément.
Le train Jaune
Quand à l'identité des autorails, penchons-nous sur deux
exemples existants : Les Chemins de fer de la Mûre
(exploités par Connex, comme les CP) et le train Jaune
(exploité par la SNCF). Le premier est exclusivement
touristique, le second assure également un trafic
régulier. Ils possèdent tous les deux une identité
forte. Pourquoi ?
Tout d'abord, ils sont reconnaissables entre mille. Le premier est
rouge brique, le second jaune canari. Ils ont chacun des gares
spécifiques, le train jaune a même des haltes facultatives
(comme aux CP). L'identité d'un train ne se joue pas sur grand
chose, des couleurs, des formes, des petits riens qui font que l'on
sait à coup sûr que l'on est sur ce
train et aucun autre au monde. Et ça marche ! Ces trains,
l'été, ont des rames de six ou sept voitures, alors
qu'aux Chemins de fer de Provence, dans le même temps, on
plafonne (par faute de matériel, il est vrai, mais pas
seulement...) à cent cinquante voyageurs par rame en plein
été.
Notre train perd son identité. Son charme est essentiellement
sauvé aujourd'hui, aux yeux des touristes, par cette impression
d'être dans un train d'un autre âge d'un pays
sous-développé. Très, mais alors très
très mauvais pour l'image de marque. Nous sommes paradoxalement
dans la région la plus touristique de France (après
Paris) et ce train n'en tire pas parti. Or ce n'est pas en lui collant
deux autorails clinquants de type et aux couleurs SNCF que l'on va
arranger les choses.

Halte de la Bédoule (juin 2006)
Il faut des petits riens pour rendre à ce train le charme qu'il
mérite. Des codes couleurs, par exemple. La livrée
actuelle est appréciée, on peut utiliser les couleurs de
la Provence (azur et or) comme base générale pour toute
la signalisation, panneaux, affiches, etc. Le logo actuel CP pourrait
être redessiné afin de lui donner un "look" plus
ferroviaire, et décliné un peu partout, y compris dans
les trains. Concernant les haltes et gares, j'ai eu l'idée d'un
totem, faisant à la fois office de poubelle, affichage pour
horaires, et éclairage, surmonté d'un logo CP.
Mais que l'on arrête, par pitié, de coller des abris-bus
aux haltes, ou d'avoir autant de modèles de bancs, d'abris ou de
poubelles qu'il y a eu d'époques pour les installer.
L'unité de la ligne, son charme et sa fierté, n'est pas
une histoire de gros sous, mais de volonté. Aux décideurs
de capter l'importance vitale de l'identité des Chemins de fer
de Provence pour leur avenir.
William Waechter
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