Coordination des Clients des Chemins de fer de Provence
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Faire de ce Train la fierté de la Provence !
 Article Création : 01/10/09 /
Modernisation 
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LA BELLE & LA BETE
VOYAGE AU CENTRE DE LA CORSE




Jeudi 1er octobre 2009, Nice, 17h32, Temps nuageux, lourd, 26°:

Comme chaque soir depuis de longues années, j'attends le train. Les doutes m'assaillent: Sera-t-il à l'heure? Depuis le début de l'été, la question a pris toute son importance. Fini le vieux slogan des CP, compagnie où "les trains partent à l'heure et arrivent quand ils arrivent".  Depuis quelques mois, ce serait plutôt "les trains partent quand ils partent et on s'en contente". Car, navré de le rappeler une fois encore, la politique désastreuse en défaveur de ce train, menée depuis de trop longues années, font que les quelques autorails qui n'ont pas brûlé, cassé un essieu ou coulé un moteur passent de plus en plus de temps aux ateliers et de moins en moins de temps sur la ligne. Il y a en permanence un, ou deux autorails aux ateliers et cinq, voire quatre autorails en ligne (quand je pense qu'en 2007, 4 autorails en ligne était considéré comme catastrophique...)

Le mauvais signe, c'est quand on voit se profiler, au bout du quai, la bouille de clown triste de la rame réversible, désignée par autant de mots (boulet, boulasse, rame magique, le truc...) qu'elle cause de maux. Dès qu'elle se pointe, c'est le retard assuré pour tous les trains pendant deux bonnes heures. Et, ces derniers temps, on ne la voit que trop en ligne, dernier rempart branlant et pathétique avant la pénurie totale de trains.
Bref, c'est l'attente, l'angoissse... Et la surprise !


On entend arriver un autorail dont le museau nous est familier, mais - même d'extérieur - incroyablement rutilant. Serions-nous revenus en 1977? Un blason, trois lettres en façade nous font croire en l'inespéré: La Rame Corse est - enfin - en service. Cet autorail, loué à prix d'or aux autorités Corses (3000€/mois pour deux caisses vides, un autorail sans moteur et une remorque vandalisée et taggée) a joué le suspense tout au long du mois de septembre, annoncée "en exploitation" plusieurs fois, jusqu'à aujourd'hui, mais on n'y croyait plus trop.

Les passagers du train de 17h35 prennent place, dans un silence respectueux. Pour ma part, je touche la belle, m'agenouille et prie... Jusq'à ce que le Chef de train me signale le départ imminent.



PREMIERS TOURS D'ESSIEUX

Départ imminent ? Pas si sûr. Sifflements, moteurs ronflants, elle avance de quelques centimètres et stoppe. L'opération se répétera pendant 4 longues minutes. Mais, pour une fois, cette attente se fait dans l'admiration pour les passagers. Assis dans des sièges confortables avec appuie têtes rembourrés- bien meilleurs que les tape-cul bleu ciel qui ont été de mise ces dernières années -, tous apprécient de bien bêtes détails comme l'espace royal pour étendre ses jambes ou la présence de pratiques portes-bagages.

Résolument moderne, voire un peu "bling-bling" (en pleine mode, quoi...), la rampe de plafond centrale, en aluminium brossé et incrustée de spots à leds attire les regards. Les sièges design et espacés complètenet cette impression "aérienne" de cet autorail. Pendant ce temps, le conducteur bataille toujours avec ses nouvelles commandes récalcitrantes... Ah oui, ce sont toujours les cépés!

Il règne une certaine euphorie parmi les passagers, peu habitués au neuf (déjà) et au modernisme (en plus) sur cette ligne. A tel point que l'autorail démarra enfin... Sous les aplaudissements des passagers!!!

On est bon public, non?



LES DETAILS QUI TUENT

Pour une fois que je suis fier et heureux des Chemins de fer de Provence, ce sont deux cheminots qui me cassent mon début de rêve. Alors que je mitraille d'images numériques tout ce qui m'entoure, le premier me confie: "Vous verrez, c'est bruyant" et le second me lance, sceptique: "Alors, t'en dis quoi?". Hein? Quoi?!

Ils me narguent. Il faut dire que je me suis assis stratégiquement au centre de l'autorail, à l'endroit où l'on est donc le moins secoué par les irrégularités de la voie, mais assez près des moteurs (juste au dessus, pour tout dire). Pour ne rien arranger, il fait encore chaud à Nice et l'autorail Corse a été pourvu de splendides baies vitrées teintées (!) avec un système d'ouverture pratique (enfin... Pour nos amis Suisses, un système normal). Même si la législation ultra-sécuritaire de notre belle démocratie impose une ouverture maximale de 20 centimètres, l'air circule. Au premier tunnel, nous nous sommes tous aperçus que le bruit des deux moteurs de 200 chevaux circulait, lui aussi, parfaitement bien. A tel point que certains passagers se sont carrément bouchés les oreilles (video)...

Le voyage entre Nice et Plan-du-Var dure 40 minutes. C'est assez long pour se satisfaire des points positifs, mais pas assez court pour ignorer certains détails surprenants.

Au-delà de la beauté de l'ensemble, j'ai commencé par remarquer presque immédiatement la curieuse absence de l'accoudoir central (une fixation est pourtant prévue), les sièges dont l'alignement avec les fenêtres est très aléatoire (places aveugles) et l'absence de rideaux aux fenêtres, d'un côté du train. Puis le regard s'attarde... Un boulon de siège retrouvé dans l'allée centrale, la peinture non terminée dans les toilettes, aucune attache à rideaux, le poste du conducteur vaguement fini à la hâte, les vitres frontales sales et jointées en catastrophe, les marches-pieds usés (non refaits), la peinture qui "bave" ou manque sur les portes d'accès... Autant de détails qui tranchent avec la première impression d'ensemble et qui font ravaler ma fierté première.

Aux dires des cheminots, les moteurs et éléments mécaniques ont été montés avec le plus grand soin. Mais que s'est-il donc passé dans l'habitacle? Le travail a été purement et simplement bâclé. Le traditionnel savoir-faire des cheminots de Provence vient d'en prendre un coup. Espérons que les finitions seront réalisées lors d'un prochain passage en atelier.



ALORS, HEUREUX ?

Je ne m'attendais pas à un tel confort dans un autorail qui, somme toute, est une copie conforme de ceux existant déjà sur la ligne. Ce confort vient avant tout du choix des sièges et de leur espacement. Sentir le neuf dans un autorail des CP est inhabituel; quand ce "neuf" est accompagné d'une machine puissante - contrairement à la précédente "modernisation" de la rame réversible - c'est un "plus" indéniable. Le poste de commande, assisté par ordinateur, permettra aux conducteurs de se familiariser avec un système qui resemble un peu à ce qui équipera les futurs autorails. Confort, vitesse, puissance, un constat qui pourrait être excellent sans deux handicaps de taille: les finitions salopées par un travail bâclé et, surtout en fait, le bruit encore plus assourdissant - fenêtres ouvertes - que dans les autres autorails de la même série, pourtant déjà bien bruyants.


Franchement bête pour la belle.

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