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Mise à jour de cette page le 07/01/07 |
Connaissance |
ICI ET MAINTENANT...
Nice : une enclave ferroviaire, un déclin programmé |
Imaginons...
Imaginons qu'en France, une prise de conscience populaire fasse que
les peuples ont finalement réalisé que certains
pillages des ressources terrestres aient depuis quelques
décennies sciemment dérégulé
l'équilibre de la planète.
Imaginons que, même si les médias, les politiques, ou le
chien de notre voisine n'aient plus, depuis un bail, notre confiance en
l'information suprême, nous soyons bien obligé, en mettant
simplement le nez dehors, de constater qu'il y a, forcément,
quelque chose qui change, là, tout près de chez nous.
Et pour peu que l'on soit curieux, en cherchant un peu dans les
archives historiques ou géographiques, on prend peur : Où
sont passés ces espèces animales,
végétales, autrefois familières à certaines
régions ? Certaines ont fui sous d'autres latitudes, d'autres
ont finalement disparu des souvenirs des anciens.
Nous sommes en 2007, la prise de conscience existe, il n'y a pas grand
chose à imaginer. Si chacun prend peu à peu conscience du
péril, une sorte de sourde rébellion populaire prend
néanmoins forme : Ras-le-bol de nous culpabiliser, alors qu'en
haut, les décideurs ne font rien, comme d'habitude. Ras-le-bol
de nous demander d'éteindre le mode veille du lecteur DVD alors
que sous nos fenêtres, quarante mille lampadaires brillent de
tous leurs feux chaque nuit. Par exemple.
Nos politiques ont toujours été les champions des
donneurs de leçons au peuple, sans pour autant appliquer
les-dites leçons eux-mêmes. Mais avouons tout de
même que ça nous arrange quelque part. Il est toujours
plus facile de monter en épingle un exemple de mauvaise foi
évidente pour se rassurer et s'excuser de notre réticence
quotidienne à faire des efforts que personne ne verra. Les
décideurs, eux, n'ont aucun scrupule à opter pour la
facilité de décisions coercitives qui, d'une part, ne les
engagent qu'au minimum et, d'autre part, ne comportent aucun risque
pour leur carrière.
Imaginons un peu plus fort...
Imaginons qu'en France, les politiques prennent lentement conscience
que, l'avenir étant tout de même notre futur (et
inversement) et accessoirement le leur, il serait peut-être plus
qu'assez tard pour commencer à infléchir une politique
générale vers une lutte contre les
dérèglements climatiques. Comme l'un des deux secteurs
responsables du phénomène (au moins en France) est celui
des transports, toute remise en cause nécessite d'abord de leur
part un passage obligé au confessionnal.
Difficile pour des politiques ayant prôné depuis cinquante
ans le symbole de progrès inégalé qu'est
l'automobile, l'autoroute ou l'avion, d'affirmer aujourd'hui exactement
le contraire ! On a beau ne pas les aimer, nos politiques, on imagine
assez facilement leur embarras... Les pauvres !
"- Alors comme ça, le champion toutes catégories du développement durable, c'est le train ?"
- Oui, Monsieur le ministre."
- Le TGV, vous voulez dire ?!"
- Pas seulement, Monsieur le ministre."
- Le train, le train... Ce bidule poussif avec une locomotive et
des wagons, qui fait de la fumée dans nos campagnes en
grinçant sur des rails en fer ?"
- On a fait des progrès depuis, Monsieur le ministre. Enfin... On aurait dû."
- Voyons, mon brave Victor, allez me trouver un moyen de transport
écologique si vous voulez, mais un peu plus fun. Le merroutage,
le tramway, la voiture à combustion, le train magnétique,
que sais-je encore ? Comment voulez-vous que je sois
réélu en prônant le développement d'un moyen
de transport qui a deux siècles !?"
- C'est facile à remettre en service, Monsieur le ministre. Facile et pas cher, comparé au reste..."
Et nos politiques se penchent finalement sur une vieille carte sortie
des archives, représentant ce qui reste du réseau
ferroviaire national, que voici :
Les projets avancés
Peu à peu, les décideurs remettent des axes ferroviaires en service, en les modernisant.
C'est difficile à imaginer ? En fait, non. C'est ce qui se
passe. Enfin, partiellement. Souvent, quelques images sont plus
parlantes que tous les discours...
1
Zoomons sur le quart Sud-est de notre beau pays. De Lyon... A Turin. Europe oblige :
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2
En toute logique, la première chose à faire pour
reconstituer un schema de transport cohérent est de placer les
grandes villes et leur population respective. Il ne s'agit pas de
(re)créer des axes qui vont de nulle part à ailleurs,
pour le seul plaisir des ferrovipathes!
Seules les villes de plus de 50.000 habitants sont
représentées; la population indiquée est celle
"hors agglomération" et a une valeur indicative. |
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3
Les plus pessimistes croient que la réorientation du
schéma de transports vers le ferroviaire n'existe pas en France.
Heureusement, il n'en est rien.
De grands projets de modernisation existent, même si les
rivalités politiques font qu'ils avancent à pas
d'escargot.
Sur cette carte sont indiqués les projets avancés: En
vert, ceux déjà réalisés (la ligne LGV
Lyon-Marseille).
En rouge, ceux en phase de développement:
La ligne Valence-Grenoble ((re)mise en double voie, électrification) VOIR ICI
La ligne LGV Côte d'Azur (création de ligne en zones
à forte densité de population, le processus est long...) VOIR ICI
L'axe transalpin Lyon-Turin (en phase de réflexion, un processus
également long car nécessitant l'accord de deux pays) VOIR ICI
La liaison Marseille-Aix-Digne, sorte de RER Marseillais pour le désenclavement du nord-est de la ville. VOIR ICI et ICI |
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En traçant des axes (en jaune) suivant les projets avancés, on peut en tirer deux conclusions :
Tous les projets concernent les liaisons au départ de deux métropoles : Lyon et Marseille.
La ville de Nice, bien que possédant autant d'axes ferroviaires
que Marseille (Est, Ouest, Nord-est, nord-ouest), se trouve totalement
prvée d'accès vers le nord et dépend totalement de
Marseille.
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L'enclave niçoise
Et force est de constater que Nice, cinquième ville de France,
capitale de la Côte d'Azur, se retrouve isolée,
enclavée... A se demander même que, si la
Méditerranée n'était pas là, la LGV ne
passerait pas bien plus au sud, histoire d'éviter cette ville
qui ignore superbement son potentiel en voies ferrées.
Les causes de cet isolement niçois sont faciles à trouver.
1- La France est découpée en Régions, dont chaque
Préfecture aime à tirer les couvertures à elle. Les deux
grands noeuds ferrovaires correspondent "comme par hasard" aux deux
préfectures.
2 - Chaque département qui composent une Région peut
infléchir une politique générale en faveur de sa
paroisse, si tant est qu'il ait saisi l'importance de cette politique.
Et décideurs des Alpes-Maritimes ont prouvé en trente ans
(par l'intermédiaire du SYMA et des Chemins de fer de Provence)
qu'ils ne voient dans le train qu'une source de dépenses
inutiles.
3- Logiquement, on commence par développer les axes les plus
peuplés. Ce qui est vrai pour la LGV Lyon-Marseille, pour la LGV
Côte d'Azur et l'axe Lyon-Turin. Ce qui commence à devenir
totalement faux pour la liaison Valence-Grenoble, Marseille-Aix, les
extensions vers Digne... sans oublier ce qui n'est pas indiqué
sur la carte : La liaison Carnoules-Aix; la liaison
Avignon-Carpentras; la liaison Cavaillon-Pertuis; l'étrange
projet de réactivation de l'Alpazur entre Grenoble et...
Marseille !? VOIR ICI
De l'Alpazur aux Merveilles : les axes nord
Ah ! L'Alpazur ?
Voici une liaison qui n'a jamais été exploitée
correctement, et, dans le meilleur des cas, en train touristique.
Lorsque jadis, on pouvait, avec un seul billet et un seul changement de
train, relier Nice à Genève. Rappelons-le, c'était
l'un des buts lors de la construction des Chemins de fer de Provence, il
y a un peu plus d'un siècle. Une transversale pour
désenclaver Nice et relier l'extrême sud-est à
Lyon, Genève, Paris, sans le détour impressionnant par
Marseille.
Le TGV saura-t-il rendre dispensable cette "diagonale du fou" (voir
Edito)? Pas si sûr. Car, quelles que soient les décisions
politiques, la ligne droite a toujours été le plus court
chemin d'un point à un autre, et en matière de transport,
la ligne droite, même si elle n'est pas toujours la plus rapide,
est forcément la moins chère : Economiquement et
énergétiquement.
Or,ce qui est vrai pour un passager est encore plus vrai pour le fret.
Les marchandises n'ont pas toutes un intérêt vital à voyager le plus
vite possible. Mais nous avons tous intérêt à ce que leur transport
revienne le moins cher.
Dans le tableau ci-dessous, nous pouvons nous rendre compte de
l'intérêt, pour Nice, de l'optimisation des liaisons
existantes vers le nord. Il s'agit ni plus ni moins, pour Nice, de
recréer les axes qui sont en cours de rénovation pour
Lyon et Marseille. A une échelle plus modeste, sans doute.
Pour reprendre une analogie entre la route et le rail, les liaisons TGV
sont les autoroutes du rail. Pour Nice, il s'agirait sans doute
d'établir deux belles nationales, vers le nord-est (Turin) et
vers le nord-ouest (Lyon, Genève, via Grenoble). Pour le
moment, nous n'avons que deux voies ferrées dans un état
pitoyable.
Les investissements ne sont pas colossaux : Il faut rénover les
voies, les entrentenir et acheter du matériel. Mais surtout, que
les intervenants s'entendent au niveau des horaires et des
correspondances, afin que cesse le plus rapidement possible les
aberrations qui ont atteint cet hiver des summums de
débilité profonde (voir Article).
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On peut trouver
ce plan logique, mais pour autant rester sceptique
quant au potentiel de ces liaisons ferrées. Or, parfois
anecdotiquement, le plus souvent en dépit du bon sens, le
potentiel de l'Alpazur, la liaison "nord-ouest", a été
testé avec succès (trop de succès?), pourtant en
des périodes où le train n'était pas "à
la mode".
La liaison voyageurs a amené un supplément de voyageurs de 20% sur la ligne Nice-Digne.
Le test de transport de wagons SNCF sur la voie métrique a été, lui aussi, concluant.
Serions-nous alors en bonne voie ? Non. Les décideurs locaux,
dans les Alpes-Maritimes, n'ont toujours pas compris l'importance, ne
serait-ce que pour Nice, de ne pas rater le train du futur. Pour eux,
les partisans du ferroviaire sont toujours de grands enfants jouant au
petit train. Les investissements dans les Alpes-Maritimes se font
toujours pour les routes.
Dans une décision du Conseil Général du 6 novembre
2006 (toujours disponible en vidéo),
concernant le passage en
rive droite du Var des Chemins de fer de Provence (dans la paine du
Var), Alain Frère, du Conseil Général, a bien
insisté sur la nécessité de passer le train en
rive droite pour une question de sécurité...
routière. En giclant ce train sur l'autre rive et
récupérer l'emprise ferroviaire, le Conseil
Général pourra élargir la route. Pour nous, la
France avance... à reculons !
Histoire du Futur
Sans doute, dans les livres d'Histoire, nos petits-enfants auront
quelques lignes montrant l'indigence profonde de ce département,
qui, au lieu participer à l'investissement dans un moyen de transport propre et performant
qu'il a sous les yeux, a préféré se
réfugier dans des préceptes des années 70
(l'autoroute et l'avion).
Le réveil des Alpes-Maritimes se fera-til un jour ? Il faudra
peut-être secouer un peu plus nos élus, car les
décisions pour les années futures se prennent ici... Et
maintenant.